Les yeux fermés, la tête en arrière, un livre au niveau du visage, Reverie prenait une pause dans un devoir de métamorphose particulièrement vicieux, ses divers parchemins étalés sur la table de même que son manuel de métamorphoses, ses notes de cours et d’autres livres qu’il avait été cherché à la bibliothèque. Vraiment le cours de métamorphose n’était pas sa matière favorite, loin de là. Il avait même d’ailleurs décidé de faire tous ses autres devoirs avant, et une fois devant le fait accompli il n’avait pas eu le choix de s’y mettre. Il avait donc récupéré une des tables près d’une des fenêtres où il pouvait voir l’intérieur du lac, mais pas trop loin non plus du feu pour ne pas tomber malade. Bien installé dans la causeuse, sa cape en velours noir enroulé autour de lui, il mordillait le bout de sa plume noir, un cadeau qu’il avait reçu de son grand père paternel et qu’il appréciait assez. Assez pour s’arrêter avant de la détruire avec ses manies d’enfant. La reposant à côté de l’encrier qu’il referma, il reposa son livre sur son visage afin de pouvoir réfléchir en paix. C’était vraiment difficile de travailler dans la salle commune. Trop d’émotions, trop de voix, il sentait déjà la migraine venir.

Soupirant doucement, il reposa finalement le livre sur la table se massant doucement l’arête du nez. Ebouriffant ses cheveux qui pour une fois n’avaient subi aucun sort de sa part pour changer de couleur et donc abordant ce roux naturel qu’il avait de part ses origines irlandaises, il jeta un regard peu aimable à ses notes pour son devoir, qui ressemblait plus à un code secret qu’autre chose, et se décida qu’il ne ferait rien de bon ce soir là. Rangeant ses affaires d’un coup de baguette et les alignant sur la table, sa plume retournant dans son boitier, il s’apprêtait à se lever quand Orion son chat se décida qu’il était temps de venir sur ses genoux. Acceptant le Maine Coon avec joie, il le caressa tranquillement, passant sa main dans le long pelage blanc de celui-ci. Et tandis que son esprit divaguait tranquillement, son regard perdu dans les lueurs du lac, la salle commune de Serpentard se vidait peu à peu, apaisant sa migraine. Il n’allait pas tarder non plus à aller dormir pensa-t-il. Le lendemain il commençait par botanique, et adorant ce cours il voulait être réveillé et attentif. Enfin pour ça, il fallait déjà qu’il se décide à bouger du confort de l’endroit. Et c’était une autre histoire. Mais il ne tenait pas pour autant à dormir dans un fauteuil.

De toute façon il semblait que quelqu’un d’autre avait décidé qu’il ne se laisserait pas glisser dans la douceur torpeur qui l’habitait. Sentant quelqu’un l’approcher, ou plutôt sentant l’excitation de quelqu’un l’approcher dans un rayon de moins de deux mètres, il rouvrit paresseusement ses paupières avant de fixer une tête bien connue. Wang Alexander. Son sauveteur attitré. On pouvait même dire son chevalier servant, tant le troisième année passait pas mal de temps à le défendre contre les moqueries de certains et assauts des autres. Ses yeux bleus pétillant doucement, un sujet des moqueries soit disant passant, il adressa un sourire au métamorphomage. Tiens, vu qu’il était doué en métamorphose, peut-être qu’il pourrait l’aider pour son devoir ? Enfin, il ne risquait pas de lui demander tout de suite vu comment Alexander l’observait, trépignant presque de lui poser une question, qui devait être la cause de son excitation. Lui souriant doucement, il l’enjoignit d’un geste de la main à parler, tandis qu’il laissait son chat s’en aller pour aller errer dans le château comme il avait l’habitude de faire.

Reverie n’était pas du genre à laisser tomber autour de lui ses défenses. Mais dans la salle commune des Serpentards, cela faisait bien longtemps que les moqueries envers sa personne avaient cessé ou alors peut-être qu’il n’y prêtait vraiment plus attention. Parce qu’elle passait sur lui comme l’eau sur la roche plate. Il était habitué, il n’en faisait plus grand cas. Et dans le fief des verts et argents, si on ne tenait pas à visiter le bureau du professeur Al Baghdadi, on évitait de faire des étincelles. Ce n’était pour la même en dehors du dortoir. Il y en avait encore qu’il ne l’appréciait pas, que sa présence dérangeait, et pas plus tard que la semaine dernière un septième année de Gryffondor l’avait attrapé par le col et l’avait plaqué contre le mur, parce qu’il l’avait regardé bizarrement. Et le visage de Reverie avait reflété un ennui certain, refusant clairement de s’excuser d’avoir les yeux bleus. L’histoire s’était finie par un Gryffondor au sol, et un Alexander toutes griffes sorties lui disant de s’attaquer à quelqu’un de sa taille. Ils étaient retournés tous les deux chez les Serpentards, leur maison qui leur paraissait si étrangère le troisième année s’inquiétant de sa santé, tandis que Reverie assurait que tout allait bien d’un sourire réel.

Alors non ça n’avait pas étonnant qu’il ouvre les yeux alors qu’Alexander était encore en train de s’approcher. Parce qu’il était toujours alerte même en se perdant dans ses pensées. Le fait de ressentir les émotions des autres lui permettait de rester vif et de ne pas se laisser surprendre plus que nécessaire. Son regard bleu glacé s’arrêta un instant sur les cheveux du troisième année, notant avec amusement que le rose devait être l’égal de l’excitation chez lui. Il n’était pas du genre à s’attarder sur les changements de couleur de cheveux d’Alexander, non. Il savait bien, que tout comme lui, il y avait des choses qu’il ne contrôlait pas. Il contrôlait son apparence un minimum tout comme Reverie pouvait bloquer l’afflux des émotions des autres un minimum, mais l’un comme l’autre ne pouvait pas arrêter leur don comme on arrête un sort. Le seul avantage que le quatrième année avait sur le plus jeune était que le sien n’était pas visible et qu’il pouvait le cacher. De toute façon vu qu’il ne parlait pas, la question ne se posait pas.

« Je te dérange pas ?... J'ai quelque chose à te demander... C'est assez particulier... » L’enjoignant à le faire d’un sourire, il se redressa tout de même un minimum pour pouvoir faire face à Alexander sans être avachi, sa curiosité soudainement alerte. Ce n’était pas souvent que le troisième année venait lui demander quelque chose. Non loin de là. « Ca te dirait de m'accompagner ce soir ? » Ce soir … Jetant un coup d’œil à la vieille horloge au dessus du feu qui affichait bientôt dix heures, il haussa un sourcil avant de poser son regard sur Alexander à nouveau, se demandant paresseusement si ses cheveux venaient de passer à un rose plus clair encore que celui qu’il avait eu avant de lui demander de l’accompagner. « Je vais voir des Sombrals pour leur donner de quoi grignoter... Je me disais que tu pourrais venir avec moi... » La demande le surprit plus que nécessaire, et sans doute son absence de réaction alerta Alexander mais pas forcément comme il fallait.

Des Sombrals. Il pouvait les voir. Son père avait manqué de le laisser plusieurs fois mourir en l’enfermant dans cette pièce si noir, si sombre, venant le chercher trois ou quatre jours plus tard alors que son corps frêle d’enfant attendait la mort comme une délivrance. Mais à croire qu’il n’était pas le seul. Et presque machinalement, Reverie posa une de ses mains sur la joue d’Alexander, cherchant ce qu’il y avait derrière cette excitation démesurée. Il se détestait presque de faire ça, d’utiliser son don, de chercher à lire ses émotions les plus profondes. Et cette nostalgie, cette peine qu’il y trouva le chamboula plus qu’il ne le montra. Déjà qu’il n’était pas du genre à toucher les autres, son geste avait du surprendre Alexander, peut-être tout autant que ce sourire triste qui venait fleurir sur les lèvres du plus âgé, tandis qu’il laissait retomber sa main, et sortait un de ses parchemins vierges et sa plume récemment rangée pour écrire une réponse à son ami afin qu’il ne cesse de s’inquiéter de ses réactions bizarres. Traçant ses mots d’une écriture élégante, il fit tourner le parchemin à la fin pour que le troisième année puisse y lire son message.

« Je veux bien t’accompagner, mais … Tu peux m’aider en échange avec de la métamorphose ? » Il avait eu envie d’exiger cette échange de procédés, parce qu’ils allaient quand même braver pas mal de points du règlement, mais la tristesse qu’Alexander cachait si bien derrière ce sourire et cette excitation avait eu raison de lui.

Les Sombrals. Il ne pensait pas en voir un jour, ces majestueux cavaliers de la mort comme on les appelait parfois. Non pas qu’il niait le fait d’avoir frôlé la mort cette fameuse fois où son père l’avait laissé trop longtemps dans l’oubli, dans cette pièce si sombre, ce qui ne l’avait pas empêché de recommencer, il ne s’attendait juste pas à les voir à son arrivée à Poudlard, l’un d’entre eux s’étant approché de lui tandis qu’il se dirigeait comme tous les premières années vers les moyens de transports qui les mèneraient au château, soit une barque au dessus de l’eau. Il avait pourtant fait une pause de son côté, son regard suivant les silhouettes des élèves sans couleurs encore attribuées, sa main flattant l’encolure de l’animal qui le reniflait curieux. Peut-être qu’à ce moment là, il s’était déjà attiré des regards curieux et méchants des autres élèves, va savoir. Il avait fini par se détacher de lui et était monté dans l’une des barques comme tous les autres.

Mais le fait de voir ces créatures n’avait rien d’anodin, et presque instinctivement sa main s’était portée vers le visage d’Alexander, allant jusqu’à bafouer tout ce qu’il s’interdisait en cherchant une émotion derrière, quelque chose. Il était horrible de se servir de son don ainsi, une détresse certaine s’affichant dans son regard d’habitude si froid, si peu expressif tant qu’il ressentait cette peine profonde qui semblait habiter le plus jeune. Le laissant dégager sa main, et ayant la décence de se montrer désolé de ce geste incongru, surtout venant de lui, il fronça les sourcils face à la remarque du métamorphomage. « Ah... Hum... Je vais bien hein si tu te posais la question...Et soit pas triste ! Quelque part... Pour un passionné des animaux, voir des Sombrals, c'est plutôt cool... non ? » Oui et non. Peut-être qu’il était rabat-joie mais à ses yeux, voir la mort en face de vous qu’elle vienne pour votre personne et s’en aille ou pour quelqu’un de votre entourage n’était pas le prix qu’il voulait payer pour avoir le privilège de voir ces créatures.

Mais le troisième année n’y était pour rien, et curieux tout de même de le suivre dans son aventure, désireux également de ne pas le laisser seul, il lui proposa d’accepter, par écrit, sous échange d’une aide pour son devoir de métamorphoses. « Arf, je te devrais bien ça non ? On va tout de même braver pas mal d'interdit en une nuit donc bon... Ce serait la moindre des choses que de t'aider. » Reverie avait eu un sourire reconnaissant avait de lui tendre son devoir et les différents livres qu’il avait trouvé pour le faire, même s’il n’y comprenait pas grand chose. Et au final avec l’aide et la patience d’Alexander, il avait pu boucler un brouillon convenable assez vite, se promettant de le recopier le lendemain et était parti dans son dortoir pour y ranger ses affaires, avant de rejoindre le plus jeune, prêt à braver au moins une dizaine de points du règlement.

La capuche douce de sa cape en fourrure noire lui cachant le visage et ses cheveux aussi peu discrets que ceux du métamorphomage, il avait dans ses mains un feu portatif dans une sorte de bocal, ce qui leur avait permis d’avancer dans les méandres du château sans risque de se faire repérer avec un sortilège de lumière. Dehors, il avait laissé Alexander prendre les devants, restant pourtant en alerte de son côté sa main prête à dégainer sa baguette. Pour quoi faire s’ils tombaient en face d’un professeur, il ne savait pas trop, mais il était prêt. Il n’y eut pourtant pas à s’en faire car bien vite ils furent dans la forêt, s’avançant vers un coin tranquille de celle-ci. Jusqu’à une clairière. Avec pas loin d’une dizaine de Sombrals. Créatures qui semblaient avoir flairé leur présence, car bien vite, l’un des équidés, plus petit que les autres, sans doute l’un des jeunes vint s’approcher du troisième année, flairant sa cape avec avidité, tandis que Reverie peinait à cacher son sourire et ses éclats de rire silencieux face aux tentatives du Sombral à récupérer la nourriture qu’il avait pris avec lui et à celle d’Alexander à ne pas tout se faire voler. Laissant l’un des autres Sombrals s’approcher de lui, naturellement le regard bleu clair du quatrième année se fit plus doux, tandis qu’il laissait tomber la capuche de sa cape pour apposer sa tête contre celle de l’animal, ses mains venant flatter son encolure et son dos.

Il était reconnaissant envers Alexander.
Vraiment.

Reverie n’était pas du genre à sortir après le couvre feu. Il était considéré comme un bon élève, poli et respectueux du règlement. Il avait certes une tendance à disparaître des journées entières, notamment le dimanche, s’isolant pour lire, dessiner ou tout simplement respirer, mais il n’était pas du genre à chercher à tout pris à enfreindre le règlement. Il n’était pas blanc comme neige non plus. La dernière fois il s’était bien décidé à aller réveiller Alexander et l’avait trainé en pleine nuit à l’orée de la forêt interdite pour qu’il puisse aller voir les licornes.  C’était des créatures toutes aussi particulières que les Sombrals qu’ils allaient voir présentement. Le simple fait de voir une des licornes s’approcher du garçon tétanisé par la surprise l’avait convaincu qu’il avait fait le bon choix. Il pouvait lui faire confiance. Alors certes c’était triste d’être capable de voir les Sombrals, mais clairement, il n’était pas de ceux qui rejetaient les créatures justes parce qu’elles étaient sombres comme beaucoup. Puis il fallait l’admettre, le quatrième année était curieux de savoir où demeurait le troupeau en dehors des moments où ils tiraient les calèches pour les élèves. Alors non vraiment, il n’avait pas eu de mal à accepter l’offre, se penchant pendant un temps sur son devoir de métamorphose, buvant presque les paroles du plus jeune et notant de quoi faire un devoir méritant un effort exceptionnel en guise de note.

Ils étaient sortis avant le couvre feu, mais s’ils n’étaient pas en tort, leur tenue, quand à elle, était une preuve légitime qu’il allait se promener dehors, sauf que le couvre feu arrivait bientôt. Si on pardonnait un élève en promenade dans le couloir le soir, Reverie était beaucoup moins sûr qu’on leur pardonne leur escapade. Alors il avait pris les devants, son feu portatif, en guise de lumière, le silence comme compagnie et l’excitation grandissante d’Alexander à ses côtés. Pourtant ce n’était pas sur lui qu’il s’était concentré, mais sur ce qu’il ressentait autour de lui, se forçant à utiliser ce don bien plus qu’à l’accoutumée. Grace à ça, ils avaient pu arriver aux lourdes portes du hall, encore ouvertes pour les derniers retardataires encore dehors, sans rencontrer personne. Une fois dans le parc le plus jeune des deux avait récupéré le sortilège, et Reverie s’était contenté de le suivre, marchant avec aisance derrière lui, même quand ils rentrèrent dans la forêt.

La clairière des Sombrals n’était pas loin de la lisière de la forêt semblait-il. Il ne leur avait pas fallu beaucoup de temps avant d’y être, et encore moins de temps pour qu’Alexander soit pris d’assaut par le plus jeune du troupeau. Pétillement dans les yeux et sourire aux lèvres il n’avait rien loupé du manège entre le plus jeune et la créature. C’était donc pour lui qu’il avait pris de la viande crue en cuisine. Il se doutait que l’animal était encore trop jeune pour pouvoir se débrouiller seul, alors forcément si quelqu’un se proposait de le nourrir. Observant l’équidé courir, son bras avait passé avec une aisance certaine le col de l’animal qui était venu le voir, son visage se posant dans les écailles qu’il avait à l’encolure de celui-ci. Il adorait les créatures, qu’elles soient magiques ou non, parce que celles-ci n’étaient pas tordues comme des humains. Il n’y avait pas d’artifices chez elle, pas de sourires mensongers, pas d’image à avoir. Et ce fut presque instinctivement qu’il passa son deuxième bras autour du cou de l’animal pour se presser un peu plus contre lui.

Et c’était dans ce genre de moment où il se sentait le plus faible, le plus exposé, il savait très bien que sur son visage on pourrait lire la détresse et la douleur. Son petit frère était-il vraiment si parfait pour que sa mère soit soulagée de partir avec lui, de le laisser derrière sans vraiment avoir du regret ? Etait-ce normal qu’il ait passé le plus clair de son temps durant son enfance dans cette pièce si sombre, à hurler, à s’excuser, puis peu à peu sa voix éteinte, à pleurer silencieusement devant ce qu’il imaginait la porte, espérant que quelqu’un vienne. Et quand son père ne l’avait que trop oublié, quand ses forces le quittaient et qu’il gisait au sol entre la vie et la mort, il avait espéré cette fois-ci que la porte ne s’ouvre pas, qu’on le laisse partir. L’animal s’ébroua en sentant ses sentiments, ses émotions si vives, qu’il s’excusa d’une main sur sa tête tandis qu’il se détachait et s’éloignait de lui pour venir se poser à côté d’Alexander, la lune reflétant cette douleur sur son visage. Il y eut un temps de silence entre eux, ce silence respectueux tandis que les Sombrals maintenant habitués à leur présence les entouraient, le plus jeune venant parfois embêter Alexander.  

« Tu veux en parler ? » Reverie venait d’agiter sa baguette et les mots brillaient doucement devant eux dans des étincelles bleutées, une question sereine qui n’obligeait en aucun cas le métamorphomage à répondre à l’empathe. Il lui proposait juste une épaule sur laquelle s’épancher, si le besoin se faisait sentir.

Le regard de Reverie se perdait dans la clairière, suivant le plus jeune des Sombrals qui jouait comme un jeune poulain, et un sourire avait fleuri sur ses lèvres, cachant un peu sa tristesse et sa détresse que trop apparente. Pourtant il avait proposé à Alexander d’en parler. Il lui avait proposé d’être une épaule contre laquelle se confier, son silence assurant la garde de son secret. Et il avait bien cru que le plus jeune ne répondrait pas à cette invitation à en parler, à savoir ce qui tourmentait son cœur et lui faisait voir ces créatures, mais après plusieurs regards échangés, des gestes du métamorphomage trahissant sa nervosité, il se lança. « ... Je ne sais pas si pour toi c'est la même chose, mais j'ai souvent l'impression qu'ils arrivent à comprendre. A nous permettre de guérir en quelque sorte tu vois. Juste parce qu'ils doivent ressentir qu'on a eu mal par le passé et qu'on doit avoir mal encore... » Il comprenait l’idée Reverie, il la partageait même. Il était certain que les Sombrals avaient la possibilité de lire dans le cœur des hommes et de soulager leur peine ne serait-ce qu’un peu. Alors il hocha doucement la tête pour montrer son accord, sa main se tendant vers le plus jeune du troupeau, un rire silencieux s’échappant de ses lèvres en voyant l’animal se reculer pour revenir à la charge.

« C'est dingue quelque part. Je pensais que tu avais été surpris et étonné parce que j'allais t'emmener voir quelque chose que tu ne pouvais pas voir du tout, alors qu'en fait c'est le contraire. » Non, il n’avait pas été étonné et surpris pour ça. Son étonnement était plus douloureux. Parce qu’Alexander pouvait les voir. Parce qu’on n’était plus en temps de guerre et que des enfants comme eux n’auraient pas du voir ces Sombrals. Et quelque part ça lui serrait un peu le cœur, et même s’il ne pousserait jamais le troisième année à parler, il ne pouvait s’empêcher de se demander comment, et quelle était cette douleur qu’il devait avoir dans son cœur et qu’il cachait derrière son attitude. « Je ne pensais pas qu'on aurait un tel point commun toi et moi. » Nouveau sourire sur ses lèvres. Mais hélas c’était un sourire triste. Ce n’était pas le meilleur des points communs, mais avoir quelqu’un avec qui partager ça apaiserait peut-être son cœur.

« J’aurais préféré ne pas les voir … » Il avait agité sa baguette inconsciemment, et plus que jamais il aurait voulu être capable de parler, être capable de lui dire que ce n’était pas juste que des jeunes adultes comme eux voient ces créatures, aussi sympathiques avec eux soient-elles. « Mais j’apprécie leur réconfort. » Nouvelles étincelles devant eux, la remarque était réelle, véridique, et un soulagement certain était apparu sur le visage de Reverie.